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Poppy : Sa stratégie multimodale payante, dévoilée par leur CMO

En pleine quête effrénée de rentabilité, les opérateurs d’autopartage se retrouvent confrontés à la nécessité de s’adapter aux préférences changeantes des utilisateurs. Aujourd’hui, l’un des défis majeurs pour ces opérateurs est de repenser leurs flottes pour répondre à une demande de plus en plus diversifiée. Cette quête d’adaptation se traduit par une tendance croissante à la diversification des flottes d’autopartage. Et qui de mieux que Poppy pour nous en parler. En effet, d’abord connu avec son service d’autopartage, l’acteur belge dispose aujourd’hui de différents modes de transports. Un combo multimodal gagnant dévoilé en exclusivité par le CMO de Poppy, Pierre de Schaetzen. Une interview exclusive sur l’avenir de la multimodalité, issue de nos sept mois d’investigation sur la quête vers la profitabilité dans le marché de l’autopartage.

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En quoi la diversification de la flotte d’un opérateur d’autopartage est une opportunité ?

Aujourd’hui, nous constatons qu’une grosse partie de nos utilisateurs ne sont pas uniquement des automobilistes, des cyclistes ou des utilisateurs de la trottinette. De plus en plus de personnes vont venir optimiser le choix du véhicule et donc les services qu’ils vont utiliser en fonction du déplacement ou du contexte. Chaque décision est prise en fonction des critères qu’il a définis pour lui-même.

Cela peut s’avérer être des critères liés à la disponibilité d’un véhicule, sa proximité, son prix, son confort ou à sa flexibilité. Un constat de plus en plus observé au niveau de la génération Z. Une génération qui a évolué dans un monde connecté où ils ont l’opportunité d’avoir un accès instantané à tout ce dont ils ont besoin. Une notion d’accessibilité aujourd’hui primordiale pour cette jeune génération, faisant opposition aux idéaux de leurs parents cherchant à tout prix à être propriétaires de leur propre voiture.

Une liberté et une flexibilité totale que nous essayons aujourd’hui d’offrir à travers Poppy. Notre stratégie est d’offrir le style de vie qui correspond à cette génération “très last-minute”, qui n’aime pas planifier et qui n’aime pas les engagements. Si il pleut, ce dernier peut se tourner vers la voiture, si il fait beau, ce sera le vélo, et si il a besoin de transporter un meuble, il pourra opter pour un break ou une camionnette.

À titre indicatif, aujourd’hui, Poppy compte 2200 voitures, une bonne centaine de camionnettes, 2500, voire 3000 trottinettes à Bruxelles et à Anvers. Nous sommes en train de faire un test avec 150 vélos partagés à Bruxelles. Une flotte de voitures et de camionnettes, présente dans six villes et quatre aéroports en Belgique. Une diversification qui permet de couvrir un maximum de cas d’usage. Aujourd’hui, chaque nouvelle voiture que nous ajoutons à notre flotte, garde le taux d’utilisation de la voiture précédente. L’occasion de créer de la demande !

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Quels sont les modes de transport à privilégier pour un opérateur d’autopartage ?

C’est une très bonne question. Je pense que ça dépend de l’approche… Chez Poppy mobility, nous observons une explosion au niveau de la camionnette, mais les volumes de réservation sont très petits. Mais du fait que nous ayons une base d’utilisateurs provenant de notre offre voiture, quand ils ont besoin d’une camionnette, ils se tournent d’abord sur notre offre avant d’aller vers le concurrent. Un constat faisant que nos camionnettes sont toujours utilisées. Maintenant, si nous avions commencé Poppy avec une offre de camionnette, aurions-nous été confrontés à la même problématique? Les camionnettes, nous n’en avons pas besoin toutes les semaines, contrairement à la voiture.

Par ailleurs, se pose également la question au niveau de la stratégie. Faut-il commencer avec des petites citadines ou directement se tourner vers des modèles plus gros qui permettent d’effectuer des déplacements plus longs ? Chez Poppy, on se rend compte quand même que l’entre deux est le juste milieu. On l’a vu avec Autolib, par exemple à Paris, qui s’est lancé avec des mini-voitures. Il se présentait comme une solution destinée à des déplacements intramuros. Chez Poppy, cela s’avère être le cas, et c’est un des segments sur lequel nous gagnons de l’argent. De plus, nous sommes conscients que le politicien souhaite au maximum limiter la place de la voiture en ville. Une vision allant à l’encontre de cette volonté de déployer un grand nombre de petites citadines en ville.

Aujourd’hui, par exemple notre flotte est principalement composée de citadines du type Audi A3, des Golfs, des Polos ou encore, des Toyota Yaris ou des Opel Corsa, qui représente notre offre «low-cost», destinée à nos clients plus jeunes. On retrouve également des voitures plus haute gamme, avec des Audi A4, des Skoda Octavia, des Audi Q3 ou des SUV. Une catégorie de flotte qui est aujourd’hui plus utilisée par exemple pour partir en vacances, en week-end ou encore pour un mariage.

Quels sont les principaux défis pour un opérateur d’autopartage moment où il envisage de devenir multimodal ?

Le critère principal que les gens vont regarder quand ils vont choisir un service de mobilité partagé ou, voire, simplement, de décider s’ils vont utiliser ce type de service ou non, c’est l’accessibilité des véhicules. Une accessibilité qui dépend de la densité ainsi que de la répartition sur le territoire de sa flotte. Cela revient à la notion de fiabilité. Lorsqu’un utilisateur va comparer le fait d’acheter une voiture ou d’utiliser un service d’autopartage, il va se poser la question de la fiabilité qui est un point crucial dans le domaine de la mobilité.

Contrairement à d’autres produits de consommation, il n’est pas envisageable de se retrouver dans l’incertitude de trouver un véhicule pour se rendre au travail ou emmener ses enfants à l’école. Jusqu’à présent, la densité et la couverture territoriale des flottes n’était pas suffisante. Les opérateurs couvraient des petites parties des territoires avec des petites flottes. Cela faisait de l’autopartage un produit assez niche pour des utilisateurs qui étaient, par conviction ou par manque de budget, enclin à se déplacer loin pour trouver une voiture. C’est une des raisons qui explique pourquoi beaucoup d’opérateurs n’ont pas réussi à pérenniser leurs activités.

Par ailleurs, nous avons enfin atteint une maturité du marché. On estime qu’entre 2022 et 2023, la taille du marché en Belgique de la voiture partagée a quintuplé. Le fait d’avoir des concurrents comme MILES permet de rassurer les utilisateurs. Quand ils choisissent de se séparer de leur voiture personnelle, ils sont certains de disposer de diverses options. Si Poppy venait à cesser ses activités, ils pourraient toujours compter sur le service de Miles. Et inversement… Si Poppy est victime de son succès et que tous les véhicules sont utilisés, il aura toujours un plan B.

L’enjeu est d’avoir assez d’offres. L’exemple du bus est le plus parlant : si le bus ne passe chez moi que trois fois par jour avec des horaires variables, il est impensable de l’envisager comme une solution viable pour faire mes déplacements domicile-travail. Cette réflexion s’étend à toutes les offres de mobilité partagée comme le vélo ou encore les trottinettes. Ensuite, nous avons comme deuxième critère, le prix. Les utilisateurs vont comparer le prix de toutes les options qui s’offrent à eux entre l’achat d’un véhicule et l’utilisation d’un service de mobilité partagée. Le calcul est assez simple pour une voiture, mais un peu moins pour un vélo ou une trottinette.

Pour une trottinette, au vu de leur prix d’achat de plus en plus bas, les gens qui en ont une utilisation fréquente ont plus tendance à se diriger vers l’achat. En revanche, pour une voiture, dans un contexte urbain et périurbain, l’autopartage est presque tout le temps l’alternative la plus économique. À titre indicatif, aujourd’hui on estime qu’en dessous de 13 000 kilomètres par an, c’est moins cher d’utiliser un service d’autopartage que de posséder sa propre voiture. Un seuil qui dépend évidemment un peu des standards de chacun en termes de gamme de voiture.

Pour quelles raisons privilégier votre propre flotte multimodale plutôt que d’intégrer d’autres solutions de mobilités externes ?

Dans notre approche multimodale, nous souhaiterions aller encore plus loin en favorisant l’intermodalité entre nos différents véhicules… Un opérateur privé de micromobilité, quel qu’il soit, ne sera jamais enclin à conclure un accord tarifaire sur le trajet pour notre utilisateur final… Et nous non plus, nous n’avons pas nécessairement envie de payer le plein tarif à l’opérateur pour pouvoir réduire le coût de leur service

Ce qui rend notre approche intéressante, c’est que dans notre modèle économique, le coût principal réside dans l’acquisition des véhicules, en particulier des voitures. Mais l’utilisation des voitures elles-mêmes ne coutent pas très chère finalement… Ainsi, si nous pouvons faire en sorte que nos trottinettes s’autofinancent grâce à leur location régulière, cela s’avère intéressant pour nous.

Cependant, nous restons ouverts à l’idée d’explorer des partenariats avec des opérateurs de micromobilité privés si nécessaire, surtout dans un contexte où le marché de la mobilité est de plus en plus cadenassé par les appels d’offres. Par exemple, si nous perdions un appel d’offre à Bruxelles, nous pourrions envisager de collaborer avec des acteurs privés tels que Tier, Dott ou Voi, qui auraient éventuellement remporté l’appel d’offres. Cependant, cette option serait économiquement moins avantageuse pour nous que si nous le faisions avec seulement notre flotte.

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