Pour beaucoup l’utilisation d’un système de reconnaissance faciale ne sert qu’à déverrouiller son portable pour ne pas rentrer manuellement son mot de passe. Alors que l’Europe en est au stade de la dématérialisation des titres de transport, Moscou la devance très largement en proposant un moyen de paiement plus singulier. En effet, la capitale russe utilise la reconnaissance faciale comme outil de paiement pour effectuer des trajets. Un concept révolutionnaire pour désengorger les métros ? Qu’en est-il réellement… On vous en dit plus sur ce dispositif appelé : Face Pay …
Un système inédit selon les autorités
A l’échelle européenne, le métro de Moscou est le plus fréquenté. En effet, il compte plus de 6 millions de passagers quotidiens. Et selon les autorités de la ville, il est désormais le premier à proposer un système de paiement par reconnaissance faciale à une aussi grande échelle. C’est en octobre 2021 que Moscou met en place Face Pay.
Ce service est destiné à payer son ticket de transport à l’aide de la reconnaissance faciale dans toutes les stations de métro. Afin d’en bénéficier, il suffit d’associer sa photo, sa carte bancaire et son titre de transport Moscovite Troïka sur l’application du métro “Métro Moskvy”. Ensuite, pour s’en servir l’utilisateur doit simplement se diriger vers les portillons étiquetés. Enfin, il ne reste plus qu’à regarder la caméra pour franchir le tourniquet et accéder au quai. Le montant à régler est automatiquement prélevé sur la carte bancaire. Plus besoin de titre, de tickets ou encore de smartphone… L’accès au métro se fait sans couture et sans rien toucher. Un dispositif particulièrement utile dans le contexte sanitaire que l’on connait aujourd’hui.
De nouvelles opportunités
Maxime Liksoutov, maire adjoint en charge des transports insiste sur le fait que “chacun est libre d’utiliser Face Pay”. En aucun cas, le maire ne souhaite rendre ce service obligatoire. De leur côté, les autorités de la ville s’attendent à ce que 15% des moscovites adoptent Face Pay sur les trois prochaines années. Ils affirment que ce service permettra de ralentir considérablement les flux de personnes et ainsi désencombrer les stations aux heures de pointes. Rappelons que les métros de Moscou, au-delà d’être des transports, demeurent grâce à leurs mosaïques et leur décoration unique, des attractions touristiques. Maxime Liksoutov déclare par ailleurs qu’il s’agit “d’un moyen de paiement sécurisé et pratique”.
En outre, toutes les données sont chiffrées de manière sécurisée. Les informations collectées sont également stockées dans des centres de traitement de données auxquels seul les fonctionnaires haut placés ont accès. De plus, la caméra liera une “clé biométrique” et non une image du visage de la personne. Toutefois, ces déclarations n’ont pas rassuré les organisations de défense des libertés. Le chemin pour rassurer et inciter la population à utiliser ce service est encore long…
Un système qui soulève des inquiétudes
Bien que les autorités russes rassurent la population en ce qui concerne le stockage des données, des doutes persistent. Cette technologique apparaissant comme une réelle prouesse soulèvent plusieurs débats en matière de confidentialité. Plusieurs ONG du pays et internationales l’ont critiqué. Elles s’inquiètent des dérives, de potentielles fuites de données et d’un manque de consentement. De plus, pour certains militants, ce système représenterait une étape dangereuse dans les efforts de contrôle de la population. Beaucoup d’organisations établissent un rapprochement avec le système chinois qui utilise ce système dans le contrôle des citoyens. Stanislav Shakirov, fondateur du groupe Roskomsvoboda dédié à la protection des droits numériques et de la liberté d’information a déclaré :
Il s’agit d’une nouvelle étape dangereuse dans la pression de la Russie pour le contrôle de la population. Nous devons avoir une transparence totale sur la façon dont cette application va fonctionner dans la pratique. Nous approchons des pays autoritaires comme la Chine, qui dominent la technologie faciale. Le métro de Moscou est une entité gouvernementale et toutes les données peuvent être entre les mains des services de sécurité.
Stanislav Shakirov, fondateur du groupe Roskomsvoboda
Des craintes de plus en plus réelles
Par ailleurs, le déploiement de Face Pay s’effectue dans un contexte bien particulier. En effet, la capitale russe a récemment étendu son réseau de caméras de surveillance. Elle en compte désormais 175 000. De nombreux reproches ont été faits envers les autorités locales, car l’utilisation de la reconnaissance faciale servirait à réprimer les opposants du président Vladimir Poutine. Mais également, à contrôler les gens lors des applications de mesures, comme lors des confinements. Pire que la possibilité d’abus par les autorités de Moscou, le système peut apparemment être piraté pour moins de 200 dollars. C’est le risque réel d’appliquer la reconnaissance faciale à encore plus de vie quotidienne. Non seulement le gouvernement pourrait avoir plus de facilité à suivre les mouvements des citoyens, mais le système lui-même deviendrait une cible vulnérable pour des abus encore pires.
Ainsi, l’utilisation de la reconnaissance faciale reste une technologie très controversée concernant la protection des données et son utilisation finale.